Interview littéraire 2016 – Jean-Daniel Brèque, traducteur

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Je poursuis mes entretiens en rapport avec les différents métiers du livre pour mettre une nouvelle fois en lumière un maillon essentiel de la chaîne : le métier de traducteur.

Je suis particulièrement enthousiaste à l’idée de donner cette fois-ci la parole à Jean-Daniel Brèque, immense traducteur de l’Imaginaire (mais pas que).

Il a traduit un nombre impressionnant de grosses pointures et de romans inoubliables. Quelques noms : Stephen King, Dan Simmons, Graham Masterton, Clive Barker, Poul Anderson, Ken Follett, Margaret Atwood, Dean Koontz… 

Mine de rien, cet homme a bercé mon adolescence et m’a accompagné tout au long de ma vie de lecteur. Et il continue, puisqu’il est responsable de la traduction des derniers romans de Ramez Naam, dont Crux qui vient de sortir en janvier 2016.

Crédit photo : Actusf

Le métier

Comment définirais-tu ton métier de traducteur ?

Traduire, c’est servir de passeur entre un texte écrit en anglais (dans mon cas) et un lecteur francophone. Une fois posé ce truisme, je ne suis guère capable de poursuivre, n’ayant pas une grande maîtrise de la théorie. Je m’efforce de rester fidèle au texte tout en veillant à ce que le lecteur le savoure le mieux possible – respecter toutes ses nuances tout en produisant une prose agréable à lire. Ce qui entraîne pas mal d’acrobaties.

Sans compter que je dois aussi restituer avec le plus de souplesse possible une culture, une manière de penser, une conception du monde étrangères. Les stratégies pour ce faire évoluent constamment, car les lecteurs francophones sont de plus en plus au fait de la culture anglo-saxonne. D’où une remise en question permanente de ma part.

Hasard ou envie ? Comment en arrive-t-on à la traduction ?

Dans mon cas, ce fut hasard et passion. Je suis un passionné de SF, de fantastique et d’imaginaire en général depuis mon adolescence. Il se trouve que cette passion m’a conduit à acquérir une bonne maîtrise de l’anglais – j’ai commencé par lire des comic-books américains en version originale, puis je n’ai plus acheté des livres de SF qu’en anglais. Quand je suis entré dans ce qu’on appelle le milieu de la SF française, on m’a très rapidement proposé des traductions, en amateur d’abord puis de façon professionnelle.

J’ajoute qu’à l’époque (début des années 1980), il n’existait pas de formation au métier de traducteur littéraire et que j’ai appris sur le tas. L’aide que mon offert des éditeurs comme Richard D. Nolane et Joëlle Wintrebert, en me mettant le pied à l’étrier, puis Alain Dorémieux, Jacques Chambon et Gérard Klein, en me remettant les idées en place, a été inestimable.

Après toutes ces années de traduction, as-tu une méthode bien rodée et si oui laquelle ?

J’ai toujours été un traducteur instinctif et, à la limite, la méthode change d’un texte à l’autre. Mais, en général, je commence par foncer pour arriver à la fin le plus vite possible, et ensuite je relis, je corrige, j’amende. En règle générale, je ne lis pas le livre avant de le traduire, sauf exception.

Je m’efforce d’être le plus fidèle possible, sans être littéral. Et je suis très attentif à la musique de la phrase.

Pour ce qui est des recherches, j’ai quantité d’outils à ma disposition – dictionnaires, encyclopédies, ouvrages de référence (la Bible, Shakespeare, la poésie anglaise…) –, mais, depuis l’avènement de l’internet, je me fie surtout à cette source, même s’il faut vérifier et recouper.

Un traducteur peut-il s’éloigner de la traduction littérale pour se rapprocher davantage du sens ? En d’autres termes, quelle est la part de création dans une bonne traduction ?

La théorie de la traduction distingue deux types de traducteur : le sourcier, qui colle le plus possible au texte original, et le cibliste, qui se soucie avant tout de la réception par le lecteur. Il faut trouver un équilibre entre les deux tendances.

Je connais des écrivains qui font parfois de la traduction (ou qui en vivent, leur production personnelle n’étant pas suffisante) et je sais qu’ils se permettent plus de libertés que moi, mais je n’ai pas leur talent. Je m’efforce de coller au texte tout en bouleversant la syntaxe quand c’est nécessaire.

Doit-on réellement entrer en osmose avec l’auteur et son texte pour bien le traduire ? Es-tu en contact avec l’auteur durant la phase de traduction ?

La traduction est un métier, et on ne choisit pas toujours ce que l’on traduit. Il m’est arrivé de traduire des textes de qualité mais avec lesquels j’avais peu d’affinités, auquel cas la tâche était plus difficile. Il existe certains auteurs avec lesquels je me sens en osmose, et là c’est le paradis.

Il m’est arrivé d’être en contact avec l’auteur, mais vu l’expérience pénible que j’ai eue avec Dan Simmons* (voir en fin d’interview le lien vers le communiqué officiel de l’époque ou Jean-Daniel Brèque parle ce cette affaire), je ne recherche plus le contact de façon systématique – sauf lorsque je suis vraiment pris de passion pour l’œuvre. En règle générale, je ne contacte l’auteur que si je bute sur une difficulté vraiment inextricable.

Comment évolue le métier actuellement ? Peut-on dire que les traductions sont meilleures ou moins bonnes que par le passé ?

Comme je l’ai dit plus haut, il n’y avait pas de formation professionnelle à l’époque où j’ai débuté. Aujourd’hui, il existe des masters des métiers de l’édition où l’on forme des traducteurs. Ces dernières années, j’ai servi de « tuteur » à deux étudiants issus de la même université (Angers) et j’ai pu constater à leur contact qu’on leur avait dispensé un enseignement de qualité qui les rendait mieux armés pour débuter dans le métier que je ne l’étais à l’époque. Et comme ils choisissent la traduction par passion, leur travail est souvent exceptionnel.

Cela dit, le métier se précarise depuis quelques années, comme tous les métiers de la création littéraire et artistique, et le danger c’est d’obtenir des traductions de moindre qualité, car certains éditeurs ont des tarifs si bas que seuls des amateurs acceptent de travailler pour eux. Les étudiants qui sortent de ces masters ont également reçu une bonne formation sur les réalités pratiques du métier et ne veulent pas travailler pour des picaillons.

Les travaux du passé

Tu as traduit principalement des romans de l’Imaginaire (même si tu as également travaillé dans les domaines du polar ou du roman historique). Est-ce-que c’est un choix ?

C’en était un au début : je suis venu à ce métier par le fandom de science-fiction, et donc j’ai surtout traduit dans ce genre, sans penser à chercher ailleurs.

Si j’en suis sorti, c’est en partie parce que les débouchés se sont raréfiés en SF à un moment donné, et j’ai jugé utile – encouragé par certains confrères – d’élargir ma palette. Ce qui m’a permis de me passionner pour des auteurs hors SF.

Tu as réalisé la traduction d’auteurs prestigieux, tellement nombreux que je ne peux pas tous les citer (Stephen King, Dan Simmons, Graham Masterton, Clive Barker, Poul Anderson, Ken Follett, Margaret Atwood…). Est-il différent de travailler sur des textes d’auteurs renommés par rapport à ceux qui le sont moins ?

     

Sur le strict point de vue de la qualité littéraire des auteurs, il n’y a aucune différence. Pour un véritable best-seller comme Ken Follett, les enjeux commerciaux sont plus importants, donc le traducteur est un peu plus surveillé.

Bon, je ne dis pas que je ne serais pas intimidé si on ne confiait un prix Nobel (d’ailleurs, ça fait quelques années qu’on parle de Margaret Atwood pour cette récompense…).

    

Nexus – Crux

Dernièrement tu t’es occupé des deux premiers romans de Ramez Naam (Nexus et Crux). As-tu rencontré des difficultés particulières à traduire ces textes qui parlent beaucoup d’informatique tout en développant d’autres thématiques très diverses ?

À l’origine, j’ai une formation scientifique et je maîtrise un peu les éléments scientifiques de tels récits. Les difficultés, ici, étaient davantage stylistiques – respecter le style très épuré de thriller tout en accommodant les passages explicatifs avec une maestria à la hauteur de celle de Ramez Naam.

Pour ce qui est de la thématique géopolitique, il me suffit hélas d’écouter la radio pour m’imprégner des enjeux qu’il aborde – pas pour les mêmes motifs, mais avec la même rhétorique, les mêmes fanatismes, etc.

J’en profite pour souligner que ce qui fait l’intérêt de cette trilogie (j’entame en ce moment la traduction du troisième tome, Apex), c’est la très grande complexité, y compris morale, du récit, et l’habileté de l’auteur qui, s’il ne ménage pas les scènes d’action et de violence, n’en use jamais gratuitement : chaque conflit physique est sous-tendu par un conflit moral. Les personnages ne sont jamais totalement manichéens et on les voit évoluer au fil du récit.

Sur l’exemple des romans de Ramez Naam, en tant que lecteur avant d’être traducteur, comment vis-tu l’évolution d’une histoire sur plusieurs tomes comme celle de Nexus ?

Comme je l’ai dit, je ne lis pas les ouvrages avant de les traduire. Je l’ai fait en partie pour le premier, puisque l’éditeur m’avait demandé de rédiger un essai d’une cinquantaine de feuillets avant de me confier la traduction.

J’ai donc lu une bonne partie du livre pour ne pas faire de contresens ni de faux-sens, sachant que je ne pourrais pas rectifier la page 45 à cause d’un détail de la page 235, ce qui m’arrive tout le temps. Par ailleurs, je n’aurais pas pu lire le 3e volume, qui n’était pas sorti au moment où j’ai entamé pour de bon la traduction de Crux. Sur cet exemple, je me suis dit que je pouvais faire confiance à l’auteur.

Sur le plan pratique, l’idéal serait de s’immerger pendant plusieurs mois sur l’ensemble de la série, mais les contraintes de l’édition (planning, délais de parution de la version originale) ne le permettent pas. Le danger, bien sûr, c’est de s’apercevoir alors qu’on traduit le tome 3 qu’on a fait une erreur ou loupé une nuance dans le tome 1. Ça m’est arrivé récemment ; heureusement, j’aurai pu rectifier le tir pour la réédition du tome 1.

Lien vers ma chronique de Nexus

Lien vers ma chronique de Crux

Et le reste ?

Tu as également d’autres cordes à ton arc (écrivain de nouvelles, responsable de collection…). Peux-tu nous en dire quelques mots ?

J’ai totalement cessé d’écrire des nouvelles. Cela aurait demandé la même sorte d’énergie que la traduction, avec des résultats beaucoup plus incertains.

Mon travail de directeur littéraire se fait sur deux plans : primo, il m’arrive d’apporter des ouvrages à des éditeurs, dans l’optique de les traduire s’ils sont acceptés. En ce moment, cela se résume à bâtir des projets pour les éditions du Bélial’, autour de Poul Anderson et de Lucius Shepard, deux auteurs qu’Olivier Girard et moi tenons également à défendre, mais aussi un autre projet pour plus tard. Entre parenthèses, Poul Anderson a toujours été mon auteur de SF préféré, et je ne suis pas peu fier d’avoir contribué à l’imposer en France de façon décisive. Quel chemin parcouru en dix ans !

Ensuite, j’ai créé il y a cinq ans une collection nommée « Baskerville », publiée en papier par Rivière Blanche et en numérique par moi-même – avec un catalogue légèrement différent. Je publie de la fiction policière de l’époque édouardienne (ce qu’on appelle « les rivaux de Sherlock Holmes »), au rythme de six volumes par an, des inédits que je traduis moi-même (mais une jeune traductrice vient de rejoindre l’équipe) ou des livres jadis parus en français dont je révise les traductions existantes. C’est un projet qui me tient à cœur, même s’il va à contre-courant de ce qui se fait en policier en France ces temps-ci. On dirait que seul le roman noir a droit de cité, alors que mes livres sont plutôt du genre souriant.

Quels sont tes prochains projets ?

J’ai pas mal de traductions à sortir dans les prochains mois, des travaux effectués parfois il y a un an et dont la parution a été repoussée pour des raisons indépendantes de ma volonté, mais aussi des travaux plus récents.

En science-fiction : paraît en février Cookie Monster, de Vernor Vinge, une novella ébouriffante dans la toute nouvelle collection du Bélial’, « Une heure-lumière ». Toujours au Bélial’, mais à l’automne, Le Prince-Marchand, par Poul Anderson, le premier volume d’une série qui en comptera cinq – il contient une nouvelle inédite, qui inaugure la série, et un roman paru dans les années 1980 dont j’ai révisé la traduction. Chez Denoël « Lunes d’encre », en mai, ma dernière traduction en date, Infinités, par Vandana Singh, des nouvelles dues à une autrice indienne vivant aux États-Unis, qui mélangent harmonieusement science-fiction, merveilleux et naturalisme, avec une bonne pincée d’exotisme – un de mes coups de cœur de traducteur. Je remercie publiquement Gilles Dumay d’avoir pensé à moi pour ce livre.

    

En fantasy : le troisième volume de la série des « Magiciens », de Lev Grossman, La Terre des magiciens, qui devrait paraître ce printemps chez L’Atalante, en même temps que la réédition des deux premiers.
En policier :
À pierre fendre, la première par ordre chronologique des enquêtes de Kate Shugak, chez Delpierre – l’éditeur a choisi d’entamer la série par le n°18, plus apte selon lui (et je suis d’accord) à accrocher d’emblée les lecteurs français ; c’est une série de polars se déroulant en Alaska, un environnement aussi exotique qu’une autre planète (d’ailleurs, l’auteur, Dana Stabenow, a débuté dans la SF), avec des personnages très attachants.

Plus des nouvelles un peu partout et au moins un « Baskerville » inédit, Lord Stranleigh en Amérique, de Robert Barr, pour la fin de l’année.

Pour les traductions à venir, j’ai entamé celle d’Apex, comme dit plus haut, et m’attend un nouveau Kate Shugak, ainsi que le deuxième volume de « La Hanse galactique », la série de Poul Anderson. De quoi tenir jusqu’à fin 2016… sans compter les éventuelles surprises !

Lien vers le communiqué de 2009 où Jean-Daniel Brèque expliquait la situation concernant ses liens avec Dan Simmons



Catégories :Interviews littéraires

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14 réponses

  1. Vraiment intéressant à lire, merci pour cette interview. Je suis allée lire le forum aussi. Edifiant également.

    • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

      comme tu dis, édifiant… En droite ligne de son bouquin Flashback qui est sorti à la même époque et qui est nauséabond. J’ai arrêté de lire cet auteur après ça

    • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

      oui édifiant… J’&vais lu son bouquin Flashback à la même époque, que j’avais trouvé nauséabond, dans la même ligne… j’ai arrêté de lire cet auteur après ça

    • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

      oui édifiant… J’avais lu son bouquin Flashback à la même époque, que j’avais trouvé nauséabond, dans la même ligne… j’ai arrêté de lire cet auteur après ça

  2. Très intéressant , encore une fois! Je viens d’emprunter Nexus 😉
    J’adore la couverture de Infinités……;) Et si c’est un coup de cœur de ce traducteur, je me le note, car les thèmes me tente bien!!!;)

  3. Smadj – Plus que des quatrièmes de couverture, plus que des résumés de films, c'est de la passion et de l'émotion que vous découvrirez ici.

    Une interview passionnante pour un métier méconnu et difficile. Il faut saluer son travail et je te remercie de le faire aussi bien mon Yvan. J’adore ce type qui lit aussi des comics 😃

  4. Vincent Garcia – Montpellier

    Traducteur: L’interface nécessaire entre le texte original et le lecteur. Bon nombre d’auteurs ne connaîtraient peut être pas le même succès sans l’excellence de leur traduction. Il me vient à l’esprit un certain nombre de romans de qualité « plombés » par une traduction approximative.
    Très bon boulot que cette interview, et très exhaustive… 🙂

  5. Géniale interview. Bravo pour cette mise en lumière. Sans eux, on passerait à côté de beaucoup de bons romans 🙂

    • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

      absolument ! il faut parler plus souvent du formidable travail qu’ils font !

  6. belette2911 – Grande amatrice de Conan Doyle et de son "consultant detective", Sherlock Holmes... Dévoreuse de bouquins, aussi ! Cannibal Lecteur... dévorant des tonnes de livres sans jamais être rassasiée, voilà ce que je suis.

    Super instructif !! J’ai adoré et je vais faire le lien… cliquer dessus ! 😉

    • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

      content alors 😉 oui passionnant !

      • belette2911 – Grande amatrice de Conan Doyle et de son "consultant detective", Sherlock Holmes... Dévoreuse de bouquins, aussi ! Cannibal Lecteur... dévorant des tonnes de livres sans jamais être rassasiée, voilà ce que je suis.

        Toujours de bons interviews !

  7. Je comprends pourquoi cette interview devait te tenir autant à coeur … quel palmarès !!!
    C’est passionnant!

Rétroliens

  1. Interview littéraire 2016 – Jean-D...

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