Interview littéraire 2014 – Emma Healey

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Emma Healey, du haut de ses tout juste 28 ans, est l’auteure d’un premier roman qui a marqué les esprits (sans mauvais jeu de mots).

Son roman, assez inclassable, parle en effet de la maladie d’Alzheimer à travers le personnage d’une vieille dame absolument inoubliable. 

Entre thriller et roman intimiste, L’oubli est une vraie réussite et m’a donné envie de découvrir davantage cette auteure.

Merci à mon pote Le lecteur de l’ombre pour avoir réalisé la traduction (suivez ce lien pour allez visiter son blog littéraire).

Ma chronique de L’oubli

Question rituelle pour démarrer mes entretiens, pouvez-vous vous définir en trois mots, juste trois ?

Timide, impatiente, curieuse.

C’est incroyable de lire un tel sujet aussi bien traité par une jeune auteure. Je crois que vous avez été très influencé par votre histoire personnelle et celle de votre famille…

Merci. L’inspiration de ce livre m’est venue de la mère de mon père, Nancy. J’étais en voiture avec Nancy et mon père un jour, quand elle nous a dit qu’une de ses connaissances avait disparu.

Nancy montrait des premiers signes de démence suite à des infarctus multiples – où l’on oublie des choses qui viennent de se passer et l’on se trouve ainsi complètement embrouillé. Cela n’a pas pris longtemps pour découvrir où son ami se trouvait (avec sa fille dans une autre ville), mais l’idée m’est restée à l’esprit.

L’idée d’écrire ce livre vous trottait-elle dans la tête depuis longtemps ?

J’y ai pensé pendant un an avant d’écrire quoi que ce soit. Je n’arrêtais pas de me dire « et si l’ami en question avait vraiment disparu ? Ou si la démence de Nancy avait été plus sévère, et qu’elle n’aurait pu retenir la réponse à sa question ? ».

Cet épisode a mis davantage en évidence la situation de ma grand-mère, et comment sa démence s’aggravait. J’ai commencé à me demander ce que cela pouvait être, vécu de l’intérieur.

J’ai donc commencé à écrire l’histoire du point de vue de quelqu’un dans la même situation. Cela m’a pris cinq ans pour la terminer.

Les passages se déroulant dans les années 40 vous ont-ils demandé beaucoup de travail de recherches ?

Oui, énormément ! J’ai lu beaucoup de journaux intimes écrits en 1946 et publiés récemment. J’ai lu également de nombreux livres d’histoire sur cette période afin d’obtenir des informations sur le rationnement, la situation politique et sociale, etc.

J’avais aussi noté beaucoup d’histoires que la mère de ma mère, Vera, avait l’habitude de me raconter sur sa jeunesse et certaines de ces histoires ont aussi pris place (d’une manière ou d’une autre) dans le livre. Par exemple, comment Vera avait été poursuivie par une folle avec un parapluie qui l’avait frappée alors qu’elle traversait une rue.

Avez-vous rencontré des difficultés pour trouver le bon équilibre entre les scènes du passé et celles du présent ?

Au début, j’étais plus intéressée par l’intrigue qui se déroule à l’époque actuelle, et l’intrigue de 1946 en souffrait un peu. Mais j’ai vite commencé à réaliser que l’histoire passée était en un sens plus importante pour mon personnage et cela m’a vraiment aidé pour continuer.

Je devais montrer Maud en tant qu’adolescente pour mieux l’expliquer en tant que femme âgée. J’avais aussi besoin de rendre les éléments classiques du style « policier » plus forts afin de satisfaire le lecteur. J’ai vraiment apprécié de lier les deux ensemble.

Votre prochain roman ressemblera t-il à celui-ci dans sa structure ?

J’aime la résonance que créent les deux fils narratifs et je suis très intéressée par la notion de mémoire. Je ne suis pas sûre de la structure que le prochain livre prendra, mais j’aime l’idée de jouer avec la structure – ce sont ce genre de choses qui me stimulent le plus dans l’écriture.

Les droits pour publier votre roman se sont arrachés entre éditeurs. C’est assez inhabituel pour un premier roman…

Oui, j’ai été troublée par la réaction des éditeurs et du public. Et très reconnaissante aussi. Je réalise à quel point j’ai  été chanceuse d’être choisie si rapidement, ce n’est pas une expérience que beaucoup d’auteurs vivent.

Votre roman a été traduit particulièrement rapidement en français, ça aussi c’est assez inhabituel…

A nouveau j’en ai été étonnée. Je n’avais jamais pensé être publiée en anglais, encore moins en français ! C’est vraiment génial et cela me renforce dans ma détermination à réapprendre le français à nouveau – je le parlais plutôt couramment quand j’avais 17-18 ans.

Cette histoire verra t-elle un prolongement à l’écran ?

Les droits TV ont été vendus et la société de production espère en faire une mini-série, donc on verra ce que ça donnera.

J’ai du mal à imaginer comment ils vont la réaliser, étant donné que la grande partie du livre se déroule dans la tête de Maud, mais heureusement je n’ai pas à travailler là-dessus – il y aura un scénariste qui fera de ce projet le sien.

Ce blog est fait de sons et de mots. La musique prend t-elle une part dans votre processus créatif ?

Pas du tout. Je trouve la musique vraiment dérangeante quand j’écris, car cela influence trop le rythme de mon écriture. Je commence à écrire furieusement avec de la musique rapide et dramatique et lentement avec de la musique lente et relaxante.

Vous avez le choix entre nous donner le mot de la fin ou votre dessert préféré…

Oh. Mon dessert favori est un flan au caramel bien collant. Je n’en ai jamais mangé de mauvais. Je trouve qu’il est très difficile pour moi de résister si c’est au menu et on en trouve sur beaucoup de menus !



Catégories :Interviews littéraires

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27 réponses

  1. Je n’étais pas spécialement attirée par ce roman , ceci dit il faut souligner la jeunesse de l’auteure!
    Je vais peut être changé d’avis. . 🙂

    • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

      elle est assez épatante et son roman est étonnant de maturité.
      pour la plongée dans la tête d’une personne atteinte d’Alzheimer, c’est juste bluffant

  2. Une belle découverte que je fais à travers cette interview.
    Je n’avais pas encore entendu parler ni de l’auteure, ni de son roman mais je suis bien intrigué par un récit sur un tel sujet par une auteure si jeune. Et avec cette interview où elle présente l’historique de l’écriture de ce roman, j’ai vraiment envie de le découvrir !
    Merci Yvan pour cette découverte 🙂

    • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

      merci à toi 😉
      Connaissant tes goûts, je me dis que ce roman peut te plaire

  3. Encore plus envie de découvrir ce livre!!!!Merci pour cette interview!!!;)

    • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

      😉 merci à toi pour ton enthousiasme

  4. Eve-Yeshé – Psychiatre à la retraite, je peux enfin m'adonner à ma passion. Lectrice assidue depuis le CP, je profite de ma retraite pour parler de mes livres, de mes coups de cœur, de mes déceptions aussi... ma PAL est gigantesque, il me faudra trois vies encore pour en venir à bout.

    je vais me laisser tenter aussi tout de suite ou dans l’année on verra car ma liste challenge rentrée littéraire 2014 s’allonge… j’aime bien ce que j’appelle dans mon jargon les histoires à 2 voix (et voies d’ailleurs) où un récit concerne le passé l’autre présent le premier expliquant, éclairant le présent (d’où mon engouement pour « …Esme Lennox » ou autres qui hantent mon blog…

    • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

      alors peut-être qu’un jour le roman d’Emma Healey viendra t-il aussi hanter ton antre 😉

  5. Tu le sais déjà, j’ai beaucoup aimé ce roman, mais j’ai un problème avec, je sais plus, des concombre ? Des courgettes ? Enfin, un truc comme cela.
    Et tu as raison quand tu dis que ce roman est d’une grande maturité. ce qui est d’autant plus épatant au vue de la jeunesse de son auteur.
    Alors merci, Yvan, de me donner à connaitre un peu plus celle-ci. Car curieuse j’étais. 😉 🙂

    • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

      Avec plaisir ma chère ;-). Hein, Elisabeth est une courgette ? 😉

      • Ah, c’était donc des courgettes; Et pour Elisabeth, je sais pas, pas encore assez proche .°

        • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

          Ça dérape ;-). En tout cas, pour redevenir sérieux, j’aime la passion qui se dégage des propos de l’auteure. Elle a été d’une grande gentillesse suite à ma demande d’interview

  6. Sido – lectrice compulsive, j'adore partager mes coups de coeurs et donner des conseils de lecture sur mon blog, http://errancesimmobiles.com. Je vous y attends !

    Je l’ai lu suite à tes conseils (d’ailleurs, tu n’oublies pas notre deal ? sans urgence, évidemment…) et l’ai beaucoup aimé. Et je suis toujours fascinée quand les auteurs s’expriment, en interview ou en rencontre librairie; ils deviennent des « vraies personnes » et le livre prend alors une autre dimension… oui, je sais, je suis tordue ! 😉

    • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

      oh non ce n’est pas tordu du tout ! C’est même tout à fait logique, en les écoutant on comprend la manière dont eux on vécu leur écriture et leur histoire et ça nous en apprend beaucoup sur eux, le livre (et nous aussi).
      Et je n’ai pas oublié le deal ;-). j’avais commencé à m’y pencher avant les congés, me voilà de retour pour continuer

      • Sido – lectrice compulsive, j'adore partager mes coups de coeurs et donner des conseils de lecture sur mon blog, http://errancesimmobiles.com. Je vous y attends !

        Hé, hé ! ^^

  7. Noté dans le carnet ! 😉 Juste venue te lire avant de filer prendre un peu l’air et la tangente au soleil !

    L’interview me donne encore plus envie de le lire, tu m’énerves ! 😀

  8. Lord Arsenik – Noumea - Nelle-Calédonie

    L’Oubli restera pour moi un gros coup de coeur de 2014 et, sauf Alzheimer précoce, devrait me trotter longtemps dans la tête.
    Merci pour cet interview qui permet de mieux connaître un auteure qui se fait plutôt discrète.

    • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

      tu es trop jeune pour ça 😉
      Merci à toi de ta fidélité !

  9. Celui-ci, j’avais déjà l’intention de le lire mais maintenant, c’est pire !
    Merci Yvan !
    Ou pas ! 😉

    • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

      C’est la faute de l’auteur là, pas la mienne 😉

  10. Un livre épatant toute comme cette jeune auteure!

Rétroliens

  1. Récapitulatif des interviews 2014 | EmOtionS – Blog littéraire et musical

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